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 De la terre à la mer.

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AuteurMessage
Nobuki

Nobuki


Messages : 17
Date d'inscription : 23/03/2015

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MessageSujet: De la terre à la mer.   De la terre à la mer. EmptyVen 1 Jan - 15:49

De sa naissance à ses dix-sept ans, port de Mahadevi.


Ils enveloppèrent le bébé dans une toile propre et le couchèrent dans un grand panier en guise de berceau. Son petit ventre plein de lait maternel, il s’endormit. Matsu avait la main douce pour cette petite créature frêle et sans défense, l’enfant tant désiré. Elle ne s’arrêtera jamais de materner Nobuki tout au long de sa vie de nouveau-né, de l’enfance jusqu’à l’adolescence. L’enfant unique était devenu sa raison d’être, acceptant et se pliant à ses moindres caprices malgré la mise en garde de son époux, Kijoi de voir grandir un enfant capricieux, oisif.

Tant d’années passèrent sans que rien ne vienne perturber leur vie de famille que Kijoi protégeait jalousement. L’enfant intrépide parcourait le port pour en découvrir les moindres recoins, toujours en quête de cachette avec ses compagnons de jeux, de rochers à escalader pour admirer du haut d’une pente abrupte, le panorama imposant d’une baie, protégée par des écueils.  


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L’adolescence modifia la vision de ce petit havre de paix, son regard lui renvoyait maintenant l’image d’un port devenu trop étroit, sans intérêt pour un jeune en mal de péripétie. Ses parents ne tardèrent pas à le percevoir en le voyant maussade, surtout quand plusieurs de ses amis quittèrent le port, qui ne pouvait offrir une situation pour tous. Il était primordial de lui trouver un emploi pour le retenir encore quelques années. L’angoisse grandissait de jour en jour à l’idée de voir leur fils quitter la maison familiale, un baluchon en main, leur offrir comme dernier présent, un regard teinté d’exaltation, d’impatience.

Trois années de répit s’écoulèrent avant de le voir franchir le seuil du logis après avoir été congédier de son poste de manœuvre, pour son manque de sérieux. Nobuki brillait par son absence, préférant se prélasser sur le sable de la plage avec Mina. Il délaissait son poste pour sommeiller dans des endroits insolites, comme la vigie d’un navire en construction.


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Cela survint un beau matin d’un été chaud, la famille était devant la maison quand le jeune homme, dont le visage se perdait dans l’ombre d’un chapeau aux larges bords, quitta le port. Matsu avait redouté ce moment où son fils, le plus beau et le plus doué à ses yeux, l’embrasserait, l’esprit déjà ailleurs.

Tout près de la mère, une jeune fille à l’air sage, cachait son émotion de voir partir son ami dont la gaîté, le charme, les premiers sentiments inavoués la poussèrent, avant qu’il est eu le temps de réagir,  à l’embrasser avant de prendre la fuite. Surpris, gêné, Nobuki se tourna vers son père qui lui dit, dans un triste sourire.

« Je crois, en effet, mon fils, qu’il est mieux que tu quittes le port. Notre peine est grande mais saches que nous serons toujours là pour toi. Promets-nous de donner de tes nouvelles. »

Il l’étreignit et s’écarta pour qu’il puisse dire adieu à sa mère, en pleurs. Nobuki cacha son émotion en baissant la tête, fit quelques larges enjambées vers les hauteurs du village puis salua les siens d’une large envolée de son couvre-chef. Il eut un dernier regard vers le port avant de prendre la route pour la Cité des Tours. Un pli adressé au Général Akrede allait peut-être lui ouvrir les portes de la Garde. Il vérifia sa présence en portant sa main à la poche intérieure de sa veste bleue marine aux boutons argentés que sa mère lui avait confectionnée.

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De ses dix-sept ans à ses vingt ans, Cité des Tours.

C’était l’heure où les ténèbres palissent peu à peu à l’approche de l’aube et que les rayons brûlants du soleil teintent votre peau d’une couleur de miel. Un souffle chaud qui fait voler la poussière du chemin et fait sortir de sa torpeur le voyageur pour voir les hautes tours de la Cité devant lui. Malgré une tristesse qu’il ne comprenait pas, il entra dans la Cité, le cœur battant car il n’était pas encore prêt pour affronter seul ce monde inconnu.

 
Il est des moments dans une vie que l’on regretterait amèrement de devoir revivre. Il allait devoir adapter ses façons à un milieu austère, s’accoutumer à quantités de gens nouveaux, des résolutions essentielles à prendre pour subsister.


Au fil des jours il aspirait l’air de cette nouvelle vie avec crainte, il avait dans le court espace de quelques mois perdu l’innocence de sa jeunesse. Il avait appris à s’attendre à tout sauf à être écouté, respecté. Il n’espérait plus à ce bonheur paisible qui fait le repos du corps et de l’esprit, les jours heureux de sa jeunesse étaient finis.



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Pour Nobuki, la douleur était cruelle, injuste et sans parade. Les entrainements, la discipline et les longues journées de garde l’épuisaient, physiquement et moralement. Chaque jour il regrettait son choix, celui de rejoindre ceux qui étaient en charge de veiller à la sécurité des habitants de la Cité de tours. Il trouva quelques apaisements en allant boire un verre dans les tavernes. Il ne lui fallut pas longtemps pour évoluer à son aise dans ce milieu de débauches où il connut sa première expérience charnelle dans les bras d’une jeune et jolie brune du nom de Meg. L’alcool à le pouvoir de débrider les plus timides et de déverrouiller la porte des interdits.



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Le père de Meg était un marchand de laine. Il achetait des toisons que lui apportaient les éleveurs de la campagne avoisinante. Il les entassait dans de grands sacs en jute. Il les entreposait dans la grange, derrière la maison familiale. Un fois par an, quand la foire avait lieu à la Cité, les tisseurs se pressaient pour acheter la précieuse laine. Le père de Meg vendait le tout et faisait expédier les sacs dans toutes les villes du continent. Voilà ce que Meg raconta à Nobuki durant un souper chez elle. On avait accusé son père de tricher sur le poids, crime que l’on prenait très au sérieux car sa prospérité était basée sur sa réputation d’honnêteté. Il croupissait en prison dans l’attente de son procès, mais son absence n’avait pas changé grand-chose aux affaires car Meg avait pris sa place. Elle avait déjà été admise dans la guilde des marchands de la ville, car c’était une tradition de s’aider quand la famille d’un membre avait des ennuis.

Nobuki  compris rapidement que Meg ne refuserait pas de le voir à ses côtés, que c’était une opportunité à ne pas laisser passer, qu’il ne regretterait nullement la garde et ses rudes contraintes. Il se rapprocha d’elle pour la baratiner, usant de tous ses pouvoirs de séducteurs pour la voir fléchir, comme un fruit mûr tombant de l’arbre, entre ses mains. Son charme opéra rapidement car elle commençait à aimer ce jeune homme tendre et passionné.

La lueur de l’aube filtrait par les fentes des volets de la chambre quand ils s’éveillèrent tous les deux. Meg prépara un ragoût de bœuf épicé pour eux et son père emprisonné. Les visites à son père l’éprouvaient énormément, Meg était profondément soucieuse, pleine d’appréhension. La santé de son père se dégradait de jour en jour malgré ses visites, ses paroles de réconfort. Elle espéra secrètement que Nobuki lui apporterait un soutien précieux si le malheur venait à frapper sa famille déjà bien éprouvé.

Le jour même, Nobuki remit sa démission à son supérieur, cela mit un terme à sa période de six mois de test au sein de la garde. Il ne broncha pas quand on lui signifia qu’il ne percevrait aucun gage, qu’un revirement n’était pas envisageable. Qu’importe pour lui qui ne voyait pas ce départ comme un échec mais plutôt une très mauvaise expérience, un choix regrettable.

Doucement, il allait se reconstruire une vie simple et sans contrainte aux côtés de Meg, découvrant des plaisirs élémentaires et grisants, de rires malicieux et complices. Il commença à imaginer sa vie en se rendant avec elle à l’entrepôt.





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Il n’y avait pas loin de quatre années que le jeune homme travaillait avec Meg, et ce n’était pas un emploi de nature à le satisfaire vraiment. Meg ne cessait de bougonner toute la journée dans son entrepôt, surtout les jours de fortes affluences. Elle lui recommandait constamment de faire attention au remplissage des laines dans les sacs. Il s’en accommodait car il recevait une assez jolie commission sur chaque vente, et il avait déjà pu économiser une jolie somme. Un matin, il avait pris la décision d’annoncer à Meg son désir de partir. A mesure que le temps passait, le jeune homme se rendait compte que Meg n’était pas celle capable de lui faire oublier le plaisir de courir le monde en toute liberté. Pour lui, tous les jours étaient semblables, et quand tous les jours sont ainsi semblables les uns aux autres, il était temps de rompre les attaches et de partir en quête de l’inconnu. Elle était prête à l’épouser quand il le voudrait. Mais Nobuki savait qu’avec elle il serait malheureux, car il lui manquerait toujours l’excitation que lui apporterait l’imprévisible.

« Pourquoi veux-tu partir alors que je t’offre un avenir, une famille. J’avais de grands projets pour nous deux. Tu m’abandonnes quand  j'ai le plus besoin de toi, que mon père est encore en prison ! Hurla Meg qui n’acceptait pas sa décision. »

« Tu préfèrerais me voir rester et devenir de jour en jour malheureux, irascible. Je fais peut-être une erreur mais pour m’en convaincre, je dois partir pour ne pas avoir de regrets Meg. Pardonnes moi mais je ne peux m’engager davantage car mon désir d’aventure est plus fort qu’une vie sans passion » Fut sa réponse qui transperça le cœur de la jeune femme.

Elle savait qu’il ne changerait pas d’avis. Quand il prenait une décision, il allait jusqu’au bout, même s’il devait le regretter par la suite. Elle s’accrocha à ce maigre espoir.

Meg se hérissa, elle se mordit la langue et répondit docilement« Tu reviendras, j’en suis certaine ».






De ses vingt et un ans à ses vingt-six ans à Austera.



Il cheminait pendant plusieurs heures dans la région, en essayant d’écouter attentivement ce que disait son cœur. C’était lui qui allait lui révéler le lieu exact où il devait se rendre. C’est en arrivant à un croisement, indécis sur le choix du chemin à prendre, qu’il fit la rencontre d’une marchande itinérante Ramisella, qui se rendait à Austera. Son cœur lui souffla l’envie d’accompagner cette femme joviale et d’une grande prestance, au regard sombre captivant. Son métier l’obligeait à énormément voyager, toujours en recherche de nouveaux produits exotiques sur tout le continent. Elle avait même développé une spécialité en arôme et parfums délicats qu’affectionnaient les femmes. Son rêve était de posséder un magasin pour produire en plus grandes quantités ses produits. Ils gravirent ensemble la pente qui mène du port à la ville et se sentirent fatigués en arrivant dans les hauteurs d’Austera. Ils cherchèrent une taverne pour y boire un thé glacé à la menthe très rafraichissant, se parlant en toute confiance. En peu de temps, ils ébauchèrent un projet commun qui allait les satisfaire, Ramisella possédait un don pour convaincre les plus récalcitrants.



Nobuki fut captivé par son offre et se voyait déjà parcourir les régions en recherche de nouveautés, combler sa soif de voyage tout en alliant l’utile à l’agréable. Ramisella gèrerait le magasin pour vendre ses produits et confectionner ses arômes et parfums. Puis ils continuèrent de parler une bonne partie de la nuit, et elle lui dit que ce n’était pas une coïncidence s’ils s’étaient rencontrés. Il ressentit une immense allégresse et aurait même songé à écrire un couplet sur les mots « chance » et « coïncidence » s’il avait eu l’âme d’un barde.



Quand il ouvrit les yeux au petit matin, il était en sueur, il aperçut que déjà à travers de rouges nuées, la clarté du jour nimbait le rideau de sa chambre d’auberge. Il avait un horrible mal de tête, certainement à cause de l’alcool qu’il avait bu à auberge après avoir quitté Ramisella. Il en ressentait de plus en plus le besoin, surtout en soirée.

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Il exhala un profond soupir et se leva pour la rejoindre sur la place, impatiente de lui faire visiter le magasin qu’elle espérait acquérir avec l’aide de son nouvel associé. Le bâtiment n’était pas en très bon état, il nécessitait de gros travaux pour lui donner l’apparence d’une boutique à la façade avenante. Il était bien situé, vers le centre d’Austera et non loin du port.



Une bonne partie de ses économies allaient être déboursées mais il avait confiance en elle qui s’enthousiasmait, croyait en une réussite rapide et prometteuse. Ils signèrent l’acte de vente et les travaux débutèrent rapidement en automne. L’ouverture était prévue aux premiers jours de la nouvelle année. Avant l’ouverture ils allèrent auprès des fournisseurs réguliers pour récupérer suffisamment de produits, pour la confection des arômes et parfums. Cela permit à Nobuki de connaitre les fournisseurs réguliers avant de se lancer dans sa propre prospection. Il s’écoula moins d’une année avant que leur petite entreprise fasse des bénéfices, que les soucis des débuts s’estompent pour laisser place à un commerce florissant. Ils s’étaient installés au-dessus de la boutique, deux pièces exiguës qui les rapprocha inexorablement, et scellèrent  leurs deux vies par un serment de fidélité, de respect et d’amour sincère.





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C’est au court de la deuxième année que Jamy se présenta à la boutique en recherche d’un emploi. Dès les premiers regards échangés entre les deux amis d’enfance, Nobuki fut replongé dans un souvenir lointain qui raviva une vive émotion.

Comme tous les enfants en recherche d’aventure, ils avaient eu l’idée de se construire une embarcation faite de planches récupérées sur le port, et de naviguer jusqu’à l’embouchure de la baie. C’était dangereux mais rien n’aurait arrêté ses deux jeunes intrépides dans leur quête de défi à relever. La petite embarcation ne résista pas longtemps aux vagues et remous qui étaient de plus en plus violents quand ils s’éloignaient de la plage, sous les cris d'encouragement des gamins restés sur le sable. L’inévitable arriva rapidement quand une vague retourna la petite barque de fortune et que les deux compères se retrouvèrent à l’eau. Nobuki fut projeté dans les airs comme un vulgaire pantin avant que les eaux ne l’engloutissent un bref instant. Il savait heureusement nager et se mit à crier en ne voyant plus Jamy près de lui quand il refit surface. Il plongea de nouveau, retenant son souffle pour s’enfoncer dans les eaux froides en recherche de son ami qui se noyait car inconscient. Il fit preuve d’un immense courage pour l’attraper et le ramener à la surface, l’entrainer avec peine vers la plage où les autres enfants les attendaient en hurlant de peur.

Jamy n’avait de cesse de dire que Nobuki lui avait sauvé la vie, que c’était son héros. Il quitta le port peu de temps avant Nobuki en lui promettant de donner de ses nouvelles.



Le souvenir s’effaça quand Jamy l’étreignit chaleureusement, tout heureux des retrouvailles. Après avoir été un enfant plutôt laid, avec des cheveux roux, une peau pâle et des yeux verts, ses traits se révélaient séduisants à l’âge adulte. Ramisella n’allait pas rester insensible au charme de celui qui allait l’aider dans sa tâche quand Nobuki serait sur les routes ou en mer pour leur commerce.




C’est lors d’un voyage à la Cité des Tours que Nobuki revit Meg qui ne cacha pas son animosité, le questionnant sur sa présence dans la Cité. Il lui répondit avec honnêteté mais ne termina pas ses confidences quand elle lui lança comme une sentence :

« je te maudis toi et ta compagne, je maudis cette union qui ne sera que haine et malheur ! Ses paroles glacèrent le cœur de Nobuki qui recula, interloqué. Quand il voulut tendre la main vers elle, Meg avait déjà disparu dans une ruelle.




Le soir même Nobuki s’était montré exubérant, offrant des verres aux clients de la taverne, buvant jusqu’à l’ivresse pour oublier les absurdités de Meg. Il ne croyait pas à cette malédiction prononcé sous l’effet de la colère mais s’en trouvait tout de même contrarié. Il les oublia quand Ramisella lui annonça à son retour qu’elle était enceinte. Il remarqua en l’observant que le physique de la jeune femme avait changé, qu’elle avait une taille plus épaisse, des seins plus volumineux et un ventre légèrement arrondi. Sa joie fut grande d’être bientôt père même si cela l’angoissait un peu d’être responsable d’une famille, de veiller à leur bonheur. Il se devait d’être plus raisonnable, de cesser de boire car il était devenu trop dépendant de l’alcool.



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Les deux pièces exiguës n’allaient pas suffire pour offrir le meilleur confort à leur futur enfant. Ils décidèrent de faire construire une villa hors de la ville et de laisser à Jamy le logis au-dessus du magasin. Il fallait entreprendre les travaux rapidement pour que la maison accueille la future mère et le nouveau-né. Les bonnes résolutions de Nobuki offrirent un répit à ce couple en dérive depuis quelques temps.

La petite Lynn aux iris verts émeraude, aux boucles aux reflets caramel faisait le bonheur de son père quand il n’était pas en voyage,  mais les quelques jours qu’il passait en compagnie de sa fille étaient pénibles pour Ramisella. Elle ne supportait plus les crises de jalousie qu’elle subissait quand il revenait ivre après avoir passé la soirée dans une taverne. Il partait dès que l’enfant s’endormait pour revenir complètement saoul, accusateur envers celle qu’il soupçonnait de tromperie. Elle se refusait à lui trop souvent, prétextant milles excuses pour ne pas avoir de rapports intimes, c’était suffisant pour attiser sa suspicion.

Il voulait en avoir le cœur net en revenant plus tôt d’un voyage qui devait l’éloigner pendant plusieurs jours. Lynn qui avait presque cinq ans passait souvent des jours chez ses grands-parents au port de Mahadevi car Ramisella trouvait toujours un prétexte pour la leur confier.  Il l’avait lui-même déposé pour s’assurer qu’elle ne se trouverait pas à la maison quand il reviendrait surprendre les éventuels amants.

C’était l’heure où le jour laissait place aux ténèbres, que la lumière blafarde d’un astre éclairait le sentier qui menait à une maison aux portes closes, que seule la lueur jaunâtre d’une chandelle éclairait une pièce à l’étage. L’ombre se faufila entre les arbustes pour sauter et agripper les branches d’un jeune pommier. Elle grimpa pour finir sur le rebord de la fenêtre et s’accroupir dans l’embrasure. Nobuki effleura de la main le fin voilage pour l’écarter, le souffle coupé par la vue qui s’offrait à lui.

Un couple dénudé était endormi sous un drap blanc qui épousait les formes des deux corps enlacés. Nobuki resta un long moment pétrifié sur place avant de s’approcher, de saisir le drap d’une main énergique pour les découvrir et les surprendre dans leur sommeil. Ramisella se réveilla la première et poussa un cri d’effroi en voyant Nobuki au pied du lit, le visage déformé par la colère. Elle se recroquevilla sur elle-même contre le dossier du lit, prise sur le fait. Son cri fit émerger de son sommeil Jamy qui se redressa pour fixer son ami qui lui faisait face, la bouche entrouverte de stupeur.

« Tu étais comme un frère pour moi Jami ! Jamais je n’aurais imaginé te surprendre avec elle, un autre mais pas toi que j’estimais, qui avait toute ma confiance ! Tu m’as trahi alors que je t’ai offert un emploi, un avenir ! C’est ainsi que tu me remercies en couchant avec ma femme ! » Cria-t-il en agitant un poignard sorti de  l’étui fixé à sa ceinture.

« Je ne t’appartiens pas Nobuki, je suis libre de vivre ma vie et de choisir celui qui en fera partie ! Je ne t’aime plus, quand tu n’es pas en voyage, tu passes ton temps à te saouler. Tu n’es qu’un ivrogne ! Tu me dégoutes ! On va partir car j’en ai assez de cette vie avec toi ! Cracha-t-elle.

« Sale garce ! Tu peux partir avec lui, j’en ai plus rien à faire mais je garde Lynn avec moi, ma fille ne sera jamais à toi ! » Lança-t-il comme une certitude.

« Ta fille ! Ce n’est pas ta fille mais la sienne, tu es tellement idiot que tu n’as même pas remarqué qu’elle n’avait rien de toi !! » Répondit-elle avec raillerie.

 Il n’en fallait pas plus pour qu’il se rue sur elle pour la frapper, mais Jamy s’interposa pour la protéger et tenter de s’emparer de l’arme. Il s’ensuivit un affrontement entre les deux jeunes hommes qui finirent au sol. La chandelle posée sur la table près du lit tomba et enflamma le voilage dans sa chute. Jamy  tentait de raisonner son ami tout en évitant la lame qui lui entailla le visage. La rage décuplait les forces de Nobuki qui était plus déterminé à le tuer qu’à l’écouter. Il feignit un retrait en arrière pour se baisser, empoigner et tirer le tapis sous les pieds de Jami qui perdit l’équilibre. Nobuki en profita pour se jeter sur lui, le plaquer au sol et sans hésitation,lui planter sa lame dans son thorax.


Durant tout le combat, Ramisella était restée prostrée sur le lit, fixant les deux hommes sans remarquer que le feu se propageait dans la pièce. Quand elle vit la main armée s’abattre sur son amant, elle se précipita pour tenter de faire de son corps un bouclier, protégé celui qu’elle aimait. Nobuki se releva pour reculer et s’éloigner de la scène qui lui donnait la nausée. Il toussa, les yeux embués de larmes provoquées par les émanations de fumée. En voyant les flammes embraser le lit, lécher les meubles, les murs et le plancher en bois, il voulut saisir le bras de Ramisella mais celle-ci refusa de quitter le corps inerte de Jami.

« Tu seras pendu assassin ! » hurla-t-elle en se dégageant.


Son sang se glaça dans ses veines en entendant la phrase qui le poussa à fuir. Il sortit de la chambre côté terrasse, sauta par-dessus la balustrade, et disparut dans la nuit.

Il resta un moment à bonne distance de la villa hypnotisé par la vue de ce feu dévastateur, de ce foyer qui partait en fumée. Ramisella était certainement morte pour ne pas l’avoir suivi. Il ne lui restait plus qu’à attendre quelques jours avant de refaire surface, de revenir d’un voyage et de jouer la comédie de l’homme anéanti par la perte de sa femme.

Il décida de se rendre au Port de Mahadevi avant de revenir à Austera, il appréhendait le moment d’affronter les regards compatissants, les mots de consolations maladroits des amis. Quand il arriva en début d’après-midi au port, il trouva sa mère, seule dans la maison. Elle fut également étonnée de le voir car elle le pensait chez lui, avec les siens.

« Ton père a ramené Lynn chez toi deux jours après ton départ, elle n’arrêtait pas de pleurer, de réclamer sa mère. Tu n’aurais pas dû nous la confier car tu sais très bien qu’elle n’aime pas rester trop longtemps loin de sa mère. » Lui dit-elle en le voyant  devenir blême, prendre appui sur une chaise avant de s’y asseoir lourdement, la tête entre les mains.

 « Que se passe-t-il Nobuki, mais que se passe-t-il,  réponds-moi ?! » cria sa mère en le voyant sortir en trombe de la maison, enfourcher sa monture et partir sans tenir compte de sa question.

Durant le trajet qui le ramenait à Austera, il fit défiler les derniers évènements qui allaient bouleverser sa vie, la changer radicalement. C’était une torture de ne pas savoir si Lynn se trouvait ce soir-là dans la maison, si sa mère ou un voisin avait pu la sortir de la maison. Lynn avait dû entendre leurs cris, se réveiller, sa mère était surement descendue pour la secourir en comprenant que le feu se propageait, la sortir de la maison. Mais cela voudrait aussi dire qu’on allait l’arrêter pour meurtre si Ramisella était sauve.


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Sa monture s’arrêta quand il tira sur les rênes en franchissant l’entrée d’un petit village au sud d’Austera, peu fréquenté. Il se sentait étrangement détaché, loin de la réalité de la situation quand il repéra l’auberge. Il s’installa à une table loin de l’entrée et commanda une bouteille de vin. Il fixa avec lassitude le verre rempli de ce liquide vermillon avant de le porter à ses lèvres. Il savait que l’alcool n’allait pas effacer ses pensées, son esprit obsédé par les images de cette horrible tragédie, mais il en ressentait le besoin. Il jugea bon de retarder l’heure fatidique où il aura à faire face aux possibles accusations.
« Profites des quelques heures de liberté qu’il te reste » se disait-il en avalant le vin qui avait plutôt un goût de vinaigre.

Au final il restera cloitré deux jours dans sa chambre, vidant plusieurs bouteilles avant de se décider enfin à prendre la route, faire face à son destin. C’est en descendant une pente escarpée qu’il vit au loin un chariot que conduisait un homme qu’il reconnut aisément car son père portait toujours sa veste de marin bleu marine au col blanc que le temps avait délavé.  Le père visiblement médusé stoppa son chariot quand il vit son fils.

« Nobuki, c’est toi ! Tu es vivant ! S’exclama-t-il avant de lui annoncer la triste nouvelle, que deux corps avaient été retrouvés dans sa maison incendiée, le sien et celui de Ramisella de toute évidence. Lynn avait été secourue par un voisin qui avait enfoncé la porte, pour la sauver de justesse des flammes qui l’encerclaient. Il se sentit brusquement suspicieux, fronçant les sourcils  tout en gardant le silence. Il se rappela qu’il était parti précipitamment pour Austera quand sa femme lui avait raconté la brève visite de son fils au Port.

Nobuki sauta à terre pour se pencher sur le corps de sa fille. Ses jambes, ses bras ainsi qu’une partie de son visage était recouvert d’onguent, elle reposait sur une paillasse recouvert d’un drap blanc. Elle était inconsciente pour qu’elle soit dans un état de sommeil.

« Ses brûlures sont superficielles, et pour éviter qu’elle souffre, le médecin l’a légèrement drogué. je la ramène chez nous... » expliqua son père qui se refusa de poser les questions qui lui brûlaient les lèvres.

« Père, je te dois la vérité, je suis responsable de la mort de Ramisella, et de Jami son amant . Je n’ai pas mis le feu à la maison, une chandelle s’en est chargée quand je me battais avec lui. Ramisella a refusé de me suivre, me traitant d’assassin, que j’allais être pendu.
J’ai fui comme un lâche pour m’enfermer dans une chambre, boire pour chasser de mon esprit la pensée funeste que Lynn était dans la maison. Je ne l'aurais pas fait en sa présence pour les surprendre !
Père, il faut que tu saches que les paroles de Ramisella hante mon esprit, sa révélation sur ma paternité, que je ne suis pas le père de Lynn ! Si je me rends, que je révèle la vérité sur Lynn, qu’elle n’est pas ma fille, tu imagines les  conséquences pour elle, pour vous ? Demanda-t-il après avoir débité ses paroles brutalement.

« Tu veux révéler une vérité que tu pourrais cacher. Que tu cherches à me faire comprendre que nous n’aurions pas la garde de Lynn après ton arrestation ?! » s’insurgea son père.

« Oui, tout à tout compris, Père. » répondit-il calmement.

 « Tu veux faire de moi ton complice ! Mais ta mère connaitra la vérité, sur ton acte meurtrier, sur ta menace. Je ne doute pas qu’elle sera prête à prendre ta défense, à te trouver des circonstances atténuantes. Elle t’a toujours défendu, toujours tout pardonné. Elle le fera cette fois plus pour Lynn que pour toi. Mais il sera préférable pour le bien de nous tous, qu’une fois toute cette triste affaire enterrée, tu t’éloignes assez longtemps pour que les gens oublient ton visage, ton passé. Promets le moi, Nobuki ! Ne nous fais pas regretter d’être tes complices ! » D’un ton qui se voulait ferme.

« Je t’en fais la promesse père » articula Nobuki avant d’embrasser le front de sa fille.
Il enfourcha sa monture pour prendre le chemin d’Austera. Il allait durant plusieurs jours endosser le costume de l’homme anéanti par la mort de femme. Il liquida rapidement ses affaires, vendit son commerce avant de disparaitre. Ses parents reçurent plus tard une lettre leur léguant une forte somme d’argent.

 

De ses vingt-sept ans à ses 31 ans à Caernord.

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Nobuki ne restera pas bien longtemps désœuvré quand il arriva dans le quartier rouge. A force de fréquenter ce quartier qui attirait des hommes aux allures louches et aux mœurs dépravés, aux affrontements entre saoulards pour les beaux yeux d’une nymphe de la nuit, il fut vite repéré par un Nuien s’exprimant parfaitement dans la langue des Haranis. Ils se croisèrent plusieurs fois avant de s’installer à une table de la taverne pour faire connaissance. Le Capitaine Wynn n’était pas là pour profiter des courtisanes, ni dépenser son or en se saoulant, il recherchait des hommes d’équipage pour son navire.

« Je ne serai d’aucune utilité sur un navire car je ne connais rien à la navigation. Je n’aime pas me battre, et je n’éprouve aucune attirance pour l’océan. » Répondit Nobuki en détaillant ce Nuien.

"L'océan vous donnera ce que la terre vous a refusé Monsieur Murako, croyez-en ma vieille expérience" fut la réponse de cet homme énigmatique. 
L’homme était d’une grande stature, ses  cheveux longs châtains aux reflets roux étaient coiffés en arrière et retenus par un lien de cuir. Son visage brunis était ovale, encadré d’une barbe naissante et d’une moustache fine. Son regard gris acier était captivant, déstabilisant. Il émanait de cet homme posé et réfléchi un tempérament à toute épreuve. Un homme qui avait assez de cran pour vivre sans regrets.

« Je vous offre la possibilité de tirer un trait sur votre passé, de changer de cap. Vous m’avez dit que vous faisiez du commerce, que vous aviez un magasin, vous pourriez m’être d’une grande utilité en devenant un aide pour mon cambusier. Vous savez compter, gérer un stock de marchandises. Vous aurez cette responsabilité en plus d’autres tâches toutes aussi importantes. A vous de voir monsieur Murako si le poste vous intéresse, mais donnez-moi votre réponse maintenant ! dit-il en tapotant la table du bout de ses doigts. Impatient de quitter les lieux.

Nobuki comprit rapidement qu’il n’avait pas d’autre choix que d’accepter. Il n’avait plus de quoi se payer une chambre et aucun plaisir à parcourir les régions sans but. Autant quitter cette vie d’errance et s’engager sur ce navire.

« J’accepte votre offre Capitaine Wynne » répondit Nobuki, car un début d’excitation venait de renaitre en lui.

« Mon navire « La buse » nous attend, embarquons au plus vite, il est ancré au large Monsieur Murako ! » ordonna Wynne en se dirigeant vers la sortie.

Nobuki s’en moquait royalement des orientations de ce Capitaine, il n’avait plus rien à perdre ni à espérer. Un canot avec d’autres recrues attendait pour les emmener vers le galion, il était suivi par d’autres chargés de diverses caisses de ravitaillement. Ce fut le départ d’une nouvelle entreprise qui durera plus de quatre années….
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L’année de ses 31 ans.  Les plaines de Falcorth.

Comme l’océan était d’une beauté époustouflante quand les eaux sont apaisées, que la proue traçait un sillon d’écumes blanches, ou le ciel prolongeait les flots. Le vent gonflait les voiles pour emporter le navire vers d’éventuels affrontements. Régulièrement, le navire revenait vers une île, un lieu dangereux pour le commun des mortels, inconscients du péril.

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L'île possédait au nord une côte comportant des falaises battues par la houle tellement inaccessibles qu’on l'appelait la « Côte de Fer ». Sa côte sud « sous le vent » offrait d'excellents refuges bien abrités, et de magnifiques plages de sable. Elle offrait tout ce qu’un flibustier pouvait espérer y trouver. Des femmes, du rhum, des rencontres incongrues, du commerce et parfois des ouvrages que Nobuki s’empressait d’acheter pour supporter la promiscuité sur le navire. C’était devenu un rituel avec le pilote et timonier d’échanger des idées sur un ouvrage traitant de la navigation. L’hydrographie, la cartographie, la géographie et la météorologie captivaient Nobuki qui par temps calme se faisait enseigner l’art de la voile et de la timonerie.

Sous les ordres du cambusier c’était le côté désagréable de ses obligations,  il  se chargeait de fournir chaque jour le cuisinier selon ses besoins, en tenant toutefois compte de la durée de conservation des aliments. Il distribuait les réserves de rhum directement aux hommes, ainsi que le tabac. Lorsque le navire faisait une prise, il notait les comptes du butin, jusqu’à distribution ou vente dans un port. Si les vivres commençaient à manquer, il calmait les hommes du mieux qu’il pouvait, subissant parfois des injures, des coups bas. Le cambusier était chargé, au port comme au mouillage, de veiller au ravitaillement du navire. Nobuki comptait profiter de cette occasion pour les quitter quelques jours.

Dans l’attente de la réponse du Second à sa demande, il errait sur l’île avant d’entrer dans l’unique taverne pour boire avec ceux de son équipage, les hommes étaient surexcités. Le rhum coulait à flot tant qu’ils avaient de quoi payer leurs bouteilles. C’était le seul plaisir qu’ils pouvaient s’offrir sur l’île avec celui de savourer quelques heures avec une prostituée à l‘hygiène douteuse.

« Je préfère risquer ma vie sur le marchepied de vergue pour carguer la voile que d’aller dans le lit de cette fille ! » répondit un jour Nobuki quand ils voulurent le jeter dans les bras d’une brune à la forte poitrine qui commençait à l’entrainer vers sa chambre.

Ce qu’il espérait surtout c’était de débarquer au large des côtes de Cap Solis pour se rendre au Port de Mahadevi, revoir ses parents, et surtout sa fille Lynn. Il était temps qu’il reprenne contact, au moins pour s’assurer qu’ils étaient tous en bonne santé. Il avait aussi dans l’idée de leur remettre un peu d’argent car ils devaient être dans le besoin, plus de trois ans s’étaient écoulées depuis son départ.

Il débarqua avec le cambusier Lauvine qui l’interpella avant qu’il ne se trouve plus à sa portée.

« On vous récupère dans huit jours, on compte sur vous pour être là, je n’en reviens pas que le second est accepté votre demande ! »

« J’ai promis de lui ramener un lion des neiges, et je sens que je vais le regretter ! » lui répondit Nobuki en riant.

Il récupéra une monture auprès d’un palefrenier et prit la route pour le Port de Mahadevi. Il appréhendait de se retrouver face à ses parents qui ne devaient pas s’attendre à le voir. Plus il approchait du port plus il se sentait nerveux, anxieux. Il passa par les hauteurs du port pour l’observer de loin, tenter de repérer des visages familiers, surtout la silhouette d’une enfant, sa fille, qui devait courir sur les sentiers. Elle devait s’amuser à monter et descendre les escaliers comme il le faisait à son âge.

Sa déception fut grande quand il décida d’arpenter le village, ne croisant que quelques âmes inconnues qui le saluaient d’un hochement de tête. Il osa demander à un gamin si la famille Murako résidait toujours au Port.

 « Ils sont partis pour la Cité des Tours, m’sieur ! Ils y vont souvent là-bas pour Lynn qui est souvent malade » répondit l’enfant morose qui devait bien connaitre sa fille.

Mobuki le visage neutre, le remercia en plaçant une pièce d’argent dans sa main, puis se dirigea vers la maison. Il souleva la pierre près de la porte pour prendre la clef que ses parents nichaient toujours en cette cachette. La maison était baignée de fraicheur car les volets étaient fermés, une vive émotion le submergea en respirant une odeur agréable et familière, et qui l’immobilisa au milieu de la pièce à vivre. Il sortit de son long manteau une bourse de cuir qu’il déposa sur la table ainsi qu’un bouton argenté de sa veste bleu, le seul lien qui lui restait avec sa mère.

Sans perdre de temps il prit la direction des Plaines de Falcorth pour récupérer un jeune lion des neiges.

Quand il arriva vers l’enclos, il faisait déjà presque nuit. L’éleveur firran lui conseilla de revenir le lendemain matin. Il lui indiqua le domaine où il pourrait y passer la nuit.
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Une chance pour lui de pouvoir louer une chambre car il était prêt à dormir à la belle étoile, trop épuisé. Il ne prêta guère attention au domaine, trop impatient de se coucher. Mais avant de s’enfermer dans la chambre, il se procura une bouteille de rhum au bar. Le lendemain matin il erra dans le domaine qu’il trouva bien agencé, très calme. Il apprécia le silence qui y régnait tout en marchant vers l’enclos pour récupérer sa monture.

L’éleveur l’attendait pour lui montrer ses jeunes lions, insistant sur le fait qu’il fallait connaitre les bons gestes pour apprivoiser l’animal, en faire un compagnon. Nobuki ne s’attendait pas à subir des réticences de la part de l’éleveur à lui confier l’animal, et de partir le jour même. Il accepta à contre cœur de passer la journée en sa compagnie pour l’observer, reproduire ses gestes avec le jeune lion qui passait son temps à le fuir.
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A la nuit tombée, il regagna le domaine. En s’engageant entre deux bâtiments, il entendit une mélodie aux douces tonalités. Une jeune femme était assise sur le sol devant une maison, un drôle d’animal blottit contre elle. Elle tenait entre ses mains un luth et cessa de jouer en voyant Nobuki approcher.

« Bonjour » Nobuki leva la main en guise de salut, puis fixa la bestiole avec curiosité.
« Bonsoir » Répondit la jeune inconnue.
-« Quel est ce drôle d'animal près de vous ? »
«Ce n’est pas vraiment un animal, c'est un kitsu ! »
«Ce n'est pas un animal ? » Il porta un regard encore plus étonné sur le kitsu.


« C'est mon ... ami. »
« Votre ami ? » Il sembla encore plus sceptique par sa réponse des plus étranges, se grattant le dessus de la tête machinalement, cherchant à décrypter ses dires.


 « Je ne suis pas doué pour les énigmes. »
«Ce n'est pas une énigme... c'est mon ami.»
Nobuki finit par hausser les épaules, ne voulant pas la contrarier dans ses affirmations.


 «Bien... et sinon, vous résidez ici avec votre « ami » ? »
« Oui, dans ce pavillon, et vous ? » Répondit-elle en lui montrant la maison au-dessus d’elle.

« J'ai loué une chambre pas très loin de votre demeure pour quelques jours, c’est très calme pour se ressourcer » tout en lui montrant la maison pas très loin de la sienne.


Elle répondra naturellement à ses questions, qu’elle était une artiste de la troupe du Corbeau. Il restera évasif dans ses réponses, s’inventant une raison pour justifier sa présence au domaine, et le fait qu’il ne connaissait pas cette troupe célèbre de Caernord. Cette jeune et jolie haranie s’appelait Gaeillon. Nobuki ne se lassait pas de détailler son visage et cette chevelure longue et soyeuse d’une étonnante blondeur. Elle l'invita à la suivre jusqu'au jardin zen où elle s’entrainait avec son compagnon qui faisait partie de la troupe.
Il l’écouta tout en la suivant, détaillant les lieux et les nombreux sièges du jardin avant de s'installer sur l'un d'eux avec un soupir d'aise. "
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«Super ! » il s'étira largement en s’allongeant, s’amusant intérieurement de la présente situation. Il avait envie de jouer les charmeurs.
« Je risque hélas de m'endormir en vous écoutant. C'est trop confortable ! Sauf si votre voix est aussi délicate que votre rire. Je serai sous le charme.» Il l’écouta avec un vif intérêt, se laissant emporter par les flots de sa voix harmonieuse quand elle lui chanta une chanson sur la vie de marin en mer.
La tempête qui faisait rage puis doucement se calmait pour ramener les marins au port, sains et saufs.
Nobuki se redressa pour s'asseoir, une main prenant appui sur le transat, il esquissa un sourire enchanteur, il était ravi du choix fait dans la mélodie mais surtout d’avoir entendu sa voix mélodieuse. Ils se quittèrent en prenant un chemin différent mais ne tarderont pas à se revoir. Elle allait rejoindre son compagnon pendant que lui allait prendre le chemin du restaurant. Ce fut le début d’une belle histoire d’amitié entre une femme et un homme, dans toute sa complexité.


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Nobuki

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MessageSujet: Re: De la terre à la mer.   De la terre à la mer. EmptyMar 12 Jan - 22:14

Le lendemain fut la journée des retrouvailles avec ses parents. Il partit de bonne heure pour ne pas arriver trop tard au Port de Mahadevi. Il ne tarda pas à apercevoir son père qui réparait un filet de pêche sur la plage. Nobuki s’approcha lentement pour s’accroupir à côté de lui, le cœur tambourinant dans sa poitrine, le souffle court.

« Bonjour Père » Furent les seules paroles qu’il put prononcer, une boule se formant dans son gosier.

Son père tourna la tête vers lui pour lui offrir un maigre sourire, le regard fatigué. Il n’était plus très jeune et cela frappa Nobuki qui posa une main sur l’épaule du vieil homme.

« Bonjour mon fils, tu reviens, enfin. J’attendais ton retour avec impatiente. » Des mots qui étonnèrent Nobuki. Il ne s’y attendait pas de la part d’un père qui lui avait demandé de disparaitre.

« Que se passe-t-il  Père, tu es malade ou est-ce mère, Lynn ? » demanda-t-il avec inquiétude.

« Nous allons bien mais tu dois nous aider pour que nous puissions nous installer à la Cité des tours. Lynn a besoin d’une bonne instruction pour qu’elle puisse se construire un avenir. Tu te doutes bien qu’elle n’a pas d’autre choix, que d’étudier. Elle aime les livres, la musique, les sciences. Il faut lui offrir la possibilité de bien s’instruire, d’accéder à un poste grâce à son savoir. » Furent la réponse qui laissa Nobuki affligé, comprenant qu’il était responsable de la situation.

« Je vous aiderai, j’ai un bon emploi qui paye bien, et j’étais justement revenu pour revoir Lynn et … »

« Lynn ne veut pas te voir, pour elle tu l’as abandonné ! Et je t’avoue que l’on a rien fait pour la raisonner. Tu peux veiller sur elle, agir pour son bien, pour que sa vie soit des plus agréables, mais…gardes tes distances si tu veux qu’un jour elle accepte de te revoir.» Dit-il sans ménagement.

Il quitta son père en le rassurant qu’il ne ferait rien pour revoir Lynn, qu’il allait attendre. Il allait devoir trouver assez d’or pour subvenir aux besoins de sa famille, et surtout en cacher l’origine.

A son retour au domaine, il revit Gaeillon qui s’entrainait à jouer du luth dans le jardin zen. Il resta à distance avant de la rejoindre, s’installa sur un transat pour l’écouter.  Elle chanta une chanson sur la nature, en particulier les papillons qui butinent les fleurs pour les féconder pour le grand plaisir de mère nature. Il apprécia le chant et surtout sa voix pure qui le fit frissonner de plaisir.

« Bonjour Nobuki !  Ma chanson vous a plu ? »
« Bonjour Gaeillon, j’ai beaucoup aimé votre chanson qui m’a fait voyagé sur le dos d’un papillon » dit-il lentement.


« Vous composez vos chansons et vos musiques, c'est admirable. J'en serais incapable par mon manque d'imagination. J’imagine que d’être la compagne d’un artiste vous ouvre plus facilement les portes de n’inspiration» ajouta-t-il en la scrutant sans gêne.
« Oh non, je ne l'ai rencontré qu'il y a quelques jours quand je me suis fait embauchée par la troupe. Il m'apprend à mieux composer et à mieux chanter. » Dit-elle d’une voix agréable à l’oreille.


«  Et quels changements cela va-t-il opéré en vous depuis votre intégration ? 

« Je suis plus calme... moins perturbée et ouverte à tout ce qui nous entoure »

Il soupire longuement tout en scrutant les environs. " Moins perturbée ?

« Oui, j'accepte plus volontiers le regard des autres... et je les regarde avec plus d'indulgence. Cela m'a fait beaucoup de bien. » Elle ferma les yeux en prononçant ces mots.

« Désolé de vous poser peut-être des questions indiscrètes, c'est dans ma nature d'être curieux, surtout envers les personnes qui l'attise. Je ne fais que repenser à notre conversation d'hier, au sujet de votre ami. Cela m'intrigue fortement »dit-il d'une voix légère, puis se leva pour se rapprocher d’elle, ne plus élever la voix pour se faire entendre.

«Vous êtes intrigué par le kitsu, mais Il ne veut pas que je vous en parle. Vous êtes un étranger »

«Oui, c'est vrai que je ne suis qu’un inconnu de passage.» Il préféra ne pas insister et jouir du plaisir de sa compagnie.

Elle l’invita à venir s’asseoir sur son transac mais il refusera par respect pour elle.

«  Il en serait autrement si vous étiez sans attache. » Il craignait aussi de voir arriver un mari jaloux. L’interdit augmenta en lui le besoin de le rompre.

« Je ne suis pas vraiment mariée... Disons que Bai Ya et moi sommes très proches. Et vous même, comme tous les marins, une fille dans chaque port ? Elle rougissait jusqu’aux oreilles en répondant, ce qui ajoutait une dose supplémentaire à son charme.

« Eh oui, une fille dans chaque port que je fuis, car je n'aime pas les filles faciles. Je préfère avoir le plaisir de les courtiser, de les charmer... de faire leur connaissance avant de…vous voyez ce que je veux dire. » Se trouva brusquement désarçonné en la voyant rire. Il aimait son rire qui m’était plus en relief sa jeune beauté.  Rien qu’à la vue de sa gorge soyeuse la sienne se serra.  

Ils parlèrent longuement sans prendre conscience du temps qui filait, et elle alla jusqu’à lui proposer d’apprendre à jouer du luth.

« C'est comme vous voulez ! Vous apprendre me permettra de faire aussi des progrès. » 

« Je préfère vous écouter jouer et chanter que de vous faire perdre votre temps à m'enseigner un art que je vais rapidement mettre aux oubliettes. Vous ne ferez aucun progrès ma chère, je vais passer mon temps à vous distraire. Je ne peux rester sans parler ni garder mon sérieux ! » Il aurait tant aimé lui dire le contraire, pour la revoir et être près d’elle. Sa présence était devenue en si peu de temps un bienfait.

Il l’escorta jusqu’à sa demeure car la fraicheur de la nuit la faisait frissonner sous son léger kimono qui épousait ses jolies courbes. Nobuki refoula de sombres pensées qui envahissaient son esprit. Il les jugea malsaines et surtout insensées avec elle.

« Bonne soirée Gaeillon ! » lui dit-il en s'inclinant, il baisa la main qu’elle lui tendait.
« Bonne soirée ! » Il crut un bref instant qu’elle n’était pas insensible à son charme quand il la vit frémir.


Au matin du quatrième jour, il repartit pour le port de Mahadevi mais s’arrêta pour voir l’éleveur des lions des neiges. Il lui demanda de garder l’animal car il avait l’intention de prolonger son séjour dans les plaines. Le firran accepta après avoir attrapé la bourse que lui lançait Nobuki.

Quand il arriva au port, c’était déjà la fin de la matinée, il faisait horriblement chaud et sa monture souffrait de la chaleur. Il décida de s’arrêter d’abord au puit situé au milieu de la place pour prendre un peu d’eau pour la bête assoiffé. Il portait une simple chemise blanche sans manche qui lui collait à la peau. C’est en passant de l’eau sur son visage qu’il vit en premier le chien qui tournoyait sur lui tout en aboyant. Une petite fille sautillait, reculait en arrière, appelait le chien qui faisait des cercles autour d’elle. Nobuki reconnut sans hésitation Lynn qui lui fit regarder ailleurs quand elle passa à sa portée. Un étau lui serra le cœur, son sang bouillonna dans ses veines comme s’il se trouvait près d’une source de chaleur. Les stigmates sur le visage et les membres de la fillette étaient assez visibles pour qu’il en fût bouleversé. Cela le décida à repartir en se jurant de tout faire pour répondre à la demande de son père.

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Il était au salon de thé quand elle franchit la porte. Il fixait la tasse de thé posée sur la table, à moitié rêveur.
« Oh Bonjour Nobuki ! »
Il sursauta un peu avant de relever la tête vers elle qui prit place sur l’autre siège.


« Oh Bonjour Gaeillon, comment allez-vous ?» Il s’empara de sa tasse pour en boire le thé refroidi, infecte à son palais.
« Bien et vous-même ? Vous avez l'air... ailleurs. »
« En effet,  j'étais juste parti en mer. J'ai hâte de repartir explorer la toundra cristalline.
 » Ne trouvant rien d’autre comme explication à sa mélancolie qui ne l’avait pas quitté depuis qu’il avait vu sa fille.
« Vous voulez déjà repartir ? » Elle se leva pour venir s’asseoir à côté de lui.

« C'est ce qui donne un sens à ma vie, de voyager »
Il songea que sa vie n’avait aucun sens depuis bien longtemps et encore plus depuis qu’il avait rejoint les pirates.

C’est avec étonnement qu’elle lui avoua qu’elle regrettait son départ. Qu’elle appréciait sa présence qui lui faisait oublier qu’elle était différente des autres femmes de par sa nature profonde, sans lui donner plus d’explication.

« Et bien ! Je n'aurais jamais pensé que vous puissiez me porter un quelconque intérêt. En général, je ne marque pas les esprits lors de mes voyages. J'ai plaisir également à converser avec vous.»


Il lui posa de brèves questions sur sa nature profonde mais elle palissait et sa gêne augmentait un peu plus à chaque réponse, et qui lui faisait monter les larmes aux yeux.

« Ne me questionnez pas davantage. »

Il préféra ne pas emprunter le  chemin de l’indélicatesse qui pourrait la voir prendre une autre direction pour le fuir.


« Que de mystères chez cette frêle demoiselle. Je crois que je vais prolonger mon séjour pour en savoir plus sur vous. »

Il soupçonna que la femme qui se trouvait à ses côtés se riait de lui en usant d’une arme qu’il maniait depuis longtemps, la mystification. Pas une seconde il crut ses paroles mais pour quelle raison s’inventait-elle cette histoire. C’était évident pour lui qu’une artiste qui possédait un don naturel pour la comédie, endossa le costume d’un personnage, passa du rire aux larmes sans grande difficulté. Il allait prolonger son séjour pour avoir le plaisir de la démasquer.

Nobuki se pencha en avant pour lui poser une main sur la sienne, se voulant compatissant. Il eut un bref frisson à son contact qui le poussa instinctivement à retirer sa main.

Ce fut stupide de sa part de lui dire par la suite de mettre en chanson son histoire. Ce fut la phrase qu’il regrettera d’avoir prononcé, qui la fit se lever et chuter en voulant quitter la table. Il fixa subrepticement le médaillon qu’elle portait au cou, et qui dévoila le visage d’une femme sur la face cachée. Il se leva vivement pour venir l’aider à se relever. Il lui tint le bras quand elle sortit du salon, oscillant entre le choix de la parole et du silence.

Il opta pour le silence et resta muet sur le trajet, tout en l'aidant à marcher en tenant son coude droit. Il songea que la journée avait été éprouvante car une soudaine fatigue tomba sur ses épaules. Elle s’excusa en le voyant porter et appuyer sa main à son front. Elle était responsable de son trouble, ce qu’il ne crut pas en la taquinant. Elle partit en courant tout en sanglotant pour s’enfermer chez elle. Nobuki resta un bref instant immobile avant de monter les marches pour toquer à la porte. Il devait formuler des excuses pour l’avoir chahuter pour ne pas l’avoir cru. Elle ouvrit la porte pour l’embrasser en lui sautant au cou. Surpris d’être ainsi assailli même si c’était agréable, il la repoussa doucement pour se voir claquer la porte au nez. Comment cette jeune femme pouvait-elle avoir un tel comportement envers un inconnu ?


Il était préférable pour lui de s’éloigner quelques temps de cette femme imprévisible. Il écrivit un mot pour elle, la prévenant de son absence, inventant un déplacement à Austera. Depuis son arrivée sur les plaines, Il avait déjà en tête de construire un petit voilier. Il voulait emmener sa fille en mer, lui offrir une escapade et tenter de tisser entre eux un nouveau lien.



Le port de Mahadevi était l’endroit idéal pour construire son embarcation. Il allait louer les services de professionnels sur place pour mener à bien son projet. Il resta deux jours au port, se faisant discret, dormant dans la petite maison qu’il louait à un habitant. Son père voyait d’un mauvais œil sa présence mais il savait que c’était inévitable s’il voulait que son fils l’aide à quitter le port pour la Cité des tours.

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A son retour du port il aperçut Gaeillon qui prit de ses nouvelles et lui demanda de rester encore quelques jours après qu’il est annoncé son départ. Il le souhaitait surtout par curiosité, pour mieux cerner cette femme qui hantait son esprit un peu plus chaque jour. Il constata qu’elle était toujours seule, qu’il n’avait pas encore vu son compagnon. Il se demandait s’il ne sortait pas tout droit de son imagination. Il n’avait plus la vision d’une femme candide dont la douceur de l’innocence l’avait séduit le premier jour.
Il posa son avant-bras sur la selle et se pencha vers elle.

« Acceptez de dîner avec moi et de me jouer du luth, et vous me devez des explications car vous ne semblez pas pouvoir contrôler vos emportements. »

Une fois installés à leur table,  il lui demanda ou se trouvait actuellement son compagnon, elle répondit tout naturellement qu’il lui avait donné congé. Il trouva la réponse assez singulière venant d’une femme qui était depuis peu en couple, et le quittait pour passer la nuit avec un  autre. Il aura par la suite l’explication à son étonnement. Elle ne contrôlait pas ses émotions même si elle se sentait après honteuse. Quant à son ami, il n’était pas jaloux, la laissant libre d’avoir d’autres relations. C’était impensable pour lui de partager ce qui était à ses yeux exclusifs.

Il hésita puis lui parla de sa femme, de sa mort, de son départ pour rejoindre un équipage sur un navire. Sachant qu’elle était en couple il ne songeait plus qu’à lui proposer son amitié malgré l’attirance qu’il éprouvait pour elle. Il était inconcevable pour lui qu’ils fusent intimes, qu’il accepta d’elle ce qui causa la mort de sa femme.

Elle le traita d’égoïste pour refuser d’accepter qu’elle puisse aimer deux hommes, une situation qu’elle jugeait permise.  Nobuki trouva ses paroles déraisonnées au point de ne plus pouvoir avaler une seule bouchée de son repas. Il ressentait une envie irrésistible de se lever et de partir pour ne pas user de paroles blessantes. Il étouffait dans cette pièce, le pont de neige qui les reliait depuis le premier jour était en train de s’effondrer. Il commanda un verre d’alcool assez fort pour se donner de l’assurance.

« Si cela ne vous plait pas, nous resterons amis. »

« Enfin des paroles raisonnées» dit-il avec un pincement au cœur. Il n’aimait pas voir la tristesse plisser ses jolis traits, la voir arroser son assiette de larmes.

«Oh, je suis désolée de vous avoir heurté dans vos convictions. Cela ne se reproduira plus »

Elle se leva pour quitter le restaurant en pleurs. Histoire de gagner du temps avant de la rejoindre, il but son verre d’alcool. Elle était assise près de sa demeure, toujours en larmes. Il ne comprenait toujours pas cette jeune femme qui avait la chance d’être heureuse avec son ami malgré ses mœurs assez spéciales. Elle voulait vivre une relation normale avec un homme qu’elle pensait banal. Il ne pouvait s’empêcher de sourire sur son apparence trompeuse. Il préféra partir en prétextant qu’il devait réfléchir aux suites à donner sur leur relation qui s’annonçait instable.

Son absence du domaine fut de courte durée car il ressentait toujours le besoin de revenir vers elle. Il repensait souvent à leur entretien qui attisait un peu plus sa curiosité. Les différentes rencontres qu’il fera au cours de son séjour confirmèrent partiellement les propos tenus par Gaeillon sur sa destinée. Il ne fera la connaissance que de son frère Mikh l’insomniaque inventeur. Il apprendra que leur mère était une courtisane détestée de sa progéniture mais que Gaeillon n’arrivait pas à se séparer du portrait de sa mère sur le médaillon. Il planait au-dessus d’eux la présence d’une grand-mère démoniaque aux nombreux pouvoirs, et que Liwen l’ainé avait un rôle plus ou moins important au centre de cette famille bigarrée.

Quant à Bai Ya l’artiste libertin, il sera celui qu’il jugera par la suite le plus néfaste pour Gaeillon de par ses mœurs. Le voile se levait lentement pour découvrir un petit monde où régnaient une  manipulation sans limite, un cynisme affligeant. C’était assez comique pour Nobuki de tenir le rôle d’un simple figurant dans ce vaste vaudeville qui se jouait sous ses yeux.

Le lendemain, ils avaient décidé durant une conversation de visiter la Cité des tours. Il accepta de l’emmener pour l’éloigner un peu du Domaine. Ils allèrent dans une taverne pour encore débattre du sujet qui le poussait toujours vers la provocation. C’est dans un parc verdoyant où des enfants s’amusaient qu’il parlera de ses sentiments mais du refus d’accepter son amour partagé. Il fallait en finir et mettre un point final à leur opinion divergente sur la relation intime. La nuit les obligera à chercher une auberge pour ne pas faire le voyage de retour dans l’obscurité. La chambre sans grand confort comportait deux petits lits. Durant la nuit, Nobuki s’était éclipé pour se rendre dans la taverne près de l’auberge. Il épancha sa soif et suivit chez elle une jeune femme qui lui offrit une nuit de plaisir alcoolisé, l’abstinence sexuel commençait sérieusement à lui peser, surtout depuis qu’il avait mis pied à terre. Au petit matin, il trouva Gaeillon sous l’emprise de la panique quand elle lui raconta le viol qu’elle avait subi dans son cauchemar. Au lieu de la ramener au domaine il l’emmena au port de Mahadevi pour l’éloigner et la protéger de ses proches. Elle lui fera comprendre que Bai Ya était le seul capable de la protéger, de veiller sur elle. En l’écoutant lui révéler que Bai Ya avait été présent et qu’il l’avait aidé dans son cauchemar, il eut soudainement peur pour sa famille qui habitait le port. Ils reprirent rapidement la route pour le Domaine.

Son petit voilier était enfin terminé, la mise à l’eau eut lieu en présence de son père qui accepta de partir en mer pour une balade le long des côtes. Nobuki se souvint qu’il avait promis à Gaeillon de l’emmener en mer, sauf que depuis le dernier évènement il craignait d’être espionné par ses proches, et surtout par Bai Ya qui possédait le pouvoir de métamorphose.

Dix jours après son départ du Domaine.

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Assis devant le piano noir du salon, il fit raisonner quelques notes de musique, les gammes d’une partition funéraire. Il venait d’apprendre la mort de Gaeillon de la bouche de Sakura dont le visage de marbre ne laissa place à aucune émotion. Les explications nébuleuses qu’elle lui donna augmentèrent encore plus son désarroi. Gaeillon s’était suicidée en se jetant de l’aéronef qui survolait régulièrement le Domaine. Elle emportait avec elle dans la mort la firrane Rhea’ qu’il avait rencontré un jour près de l’enclos des animaux. Mikh avait emmené le corps de sa sœur loin du Domaine.

Il  revivait inlassablement leur dernière journée à l’ombre d’un jeune bouleau des plaines où ils savourèrent le jus d’une grenade. La porte des confidences s’était ouverte pour dévoiler l’existence de sa fille qu’il avait abandonnée. Des bonnes résolutions furent élaborées ensemble quand ils retournèrent au Domaine. Elle comptait les mettre en application avec lui, l’aider dans sa démarche pour enfin le sortir du gouffre de la perdition. C’était la première fois depuis bien longtemps qu’il n’avait pas eu la peur de se confier. Il lui confia sans crainte la clef du coffre qui contenait tous ses secrets.

Il lui fallait cependant entreprendre une dernière expédition à bord du navire La Buse, mais il préféra ne rien lui dire de ce qu’il projetait de faire pour augmenter ses gains. Sa lettre le dévoilant sera remise à Gaeillon le lendemain de son départ.

« Chère amie,

Wynne s'est engagé à me libérer de mon engagement car il n'a pas été surpris par ma décision. Il s'en doutait que cela avait un rapport avec ma fille, souvent évoqué lors de mes saouleries.
Il m'a proposé de faire une dernière expédition et je n'ai pu résister à l'appel du large en voyant le galion prêt à lever l'ancre, l'équipage au complet impatient d'embarquer.


Je vous promets de revenir au plus vite.
Ma très chère amie, vous allez surement m'en vouloir mais je pense à l'avenir de ma fille qui mérite d'avoir une vie décente, sans privation.


Je vous embrasse tendrement. »

Il s’arrêta de pianoter quand une jeune femme haranie fit son entrée dans le salon. Il ne lui fallut peu de temps pour se rendre compte qu’elle était noble à son port de tête altier, à sa coiffure apprêtée qui ne laissait aucun cheveu brun se rebeller. Sa tenue était soignée et  élégante dans des tons sobres. Il émanait de cette femme aux gestes aériens, au rire mesuré, au timbre de voix doucereux, une aura séduisante. C’était vraiment ce que Nobuki appréciait le plus chez une femme de cette qualité, l’inaccessibilité.

Dame Laurelin sera celle qui lui fera comprendre qu'il devait faire son deuil plutôt que de chercher des explications. Pour elle c’était simplement le refus d’accepter l’infidélité de l’homme qu’aimait Gaeillon, et qui la poussa à faire un acte irrévocable. Malgré tout elle trouvait assez singulier que cette femme se suicide pour refuser ce qu’elle aurait aimé, avoir plusieurs amants. Nobuki l’écouta sans la contredire, réalisant qu’elle savait beaucoup de chose sur le petit monde qui vivait sur son Domaine. Elle allait regretter son départ car elle appréciait qu’il remplisse la caisse de son bar par sa forte consommation d’alcool. Il comprit que sa place n’était plus au Domaine, qu’il devait partir pour débuter une nouvelle aventure avec ses proches, et surtout avec sa fille Lynn.

Il s'écoula de nombreux mois durant lesquels Nobuki se consacra à la construction d'une demeure pour sa famille. L'île était non loin du continent pour permettre à sa fille de s'y rendre régulièrement pour ses études. Il cédait à toutes les exigences de Lynn pour s'en rapprocher et obtenir d'elle, son pardon. Etrangement elle n'abusait pas de la faiblesse de son père car elle savait qu'il allait jouer un rôle important dans l'accomplissement de son projet d'avenir.

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La dernière fois qu'il croisa Mikh à la Cité des Tours, Nobuki évita de se rendre de nouveau au Domaine. Il ne devait pas s'impliquer dans un combat qu'il savait perdu d'avance face aux menaces que le frère de Gaeillon lui révéla sans ménagement.
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